Le prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu doit entrer en vigueur le 1er janvier 2019 en France. Cette réforme qui était dans les cartons depuis plus de vingt ans n’a jamais encore vu le jour et a d’ailleurs été repoussée d’une année puisqu’elle devait entrer en vigueur  en janvier 2018.

S’il l’on ne  prête pas  attention aux hésitations gouvernementales et aux rumeurs de nouveau report ou d’abandon, en janvier 2019 le dispositif doit être effectif. La France rejoindra ainsi l’ensemble des pays de l’OCDE (excepté la Suisse) (I)

 

 

En définitive, la communication tardive sur la réforme et ces hésitations sont sans doute la traduction du goût bien français  pour la complexité, car cette réforme  pose de nombreuses questions de fond.

L’avantage principal et indéniable de cette réforme est de permettre de neutraliser  le décalage entre la situation réelle d’un contribuable et le paiement de l’impôt.  Pourquoi alors ne pas avoir simplement généralisé ou  renforcé le dispositif actuel de  mensualisation ? Pour quoi transférer une compétence de l’État aux employeurs privés ou publics en rendant  les entreprises et les collectivités employeurs  collecteurs avec une responsabilité  juridique et fiscal qui emporte par ailleurs des sanctions? (II)        

I. Chez nos voisins.

Tous les grands pays d'Europe ont déjà opté pour le prélèvement à la source à l’instar de l'Allemagne dès 1920, les Pays-Bas en 1941 et la Belgique en 1962 et à l'Espagne en 1979. Avec la Suisse, la France est ainsi le seul pays d’Europe occidentale  à ne pas l'avoir adopté.

En Allemagne, à partir de 8100 euros de salaire annuel il est obligatoire de demander une «carte d'imposition» («Lohnsteuerkarte»), chaque année diverses informations y sont mentionnées (situation familiale, nombre d'enfants à charge, derniers salaires...) elle est délivrée au contribuable par la municipalité dont il dépend.

La Grande-Bretagne a adopté le système le plus pragmatique.

Ainsi tous les revenus sont prélevés à la source. Le contribuable est considéré individuellement et non par foyer. Tout citoyen britannique gagnant l’équivalent de 13.000 euros par an est assujetti à l'impôt .Ce dernier est prélevé mensuellement par les employeurs et pour les autres revenus, comme l’épargne, les banques sont aussi collecteurs. Les autres revenus sont laissés à la responsabilité du contribuable qui doit remplir une déclaration complémentaire. La « Tax return »

En  Espagne, c’est aussi l’employeur qui collecte et l’année suivante, le contribuable fait une déclaration qui peut permettre des régularisations. À noter que les espagnols communiquent un nombre important d’informations personnelles à leurs employeurs. Outre la composition familiale, la déclaration comprend aussi par exemple les hypothèques sur les biens immobiliers.

II- Un transfert de compétence et de responsabilité pour l’employeur

La réforme envisagée s’apparente de prime abord au système actuel, non obligatoire plébiscité par les contribuables,  celui de la mensualisation. Il offre l’avantage de se contraindre à une épargne et à intégrer dans son budget la dépense impôt, comme d’autres dépenses incompressibles (loyer ou crédit).

Une mensualisation qui aurait pu aller jusqu’au bout consisterait à laisser à chacun la responsabilité  de  déclarer un changement de situation que l’administration fiscale  a aujourd’hui les moyens techniques de prendre en compte immédiatement. En maintenant, comme en Espagne une déclaration annuelle a posteriori. Une déclaration annuelle que nous recevons d’ailleurs  quasi tous déjà  pré-rempliée.

Ce n’est donc pas cette voie qui a été choisie mais celle du prélèvement à la source avec pour collecteurs, les employeurs publics ou privés.

Certes, les employeurs collectent déjà des prélèvements obligatoires mais il en va autrement de l’impôt sur le revenu qui prend en compte la situation personnelle du contribuable et qui n’est pas par définition uniforme comme un prélèvement de cotisation sociale.

Ainsi, des coûts d’adaptation, notamment la première année, devront être assumés par les employeurs (adaptation des logiciels, relation et croisement avec l’administration fiscale, gestion d’un flux important d’information, temps de traitement)

Par ailleurs, cette gestion s’accompagne d’une responsabilité fiscale et juridique car en devenant collecteur, l’employeur doit aussi vérifier l’adéquation du taux de prélèvement déclaré par le contribuable à l’Administration fiscale, opérer des rectifications en cas de changement de situation, appliquer un taux moyen en cas de refus de communication par le salarié. Le ministère assure que les seules données à caractère personnelle connues par l’employeur est le taux déclaré par le contribuable salarié.

De même des garanties sont données quant à l’assouplissement des sanctions en cas d’erreur commises dans le prélèvement à la source. Aujourd’hui des amendes de l’ordre de 250 euros  par déclaration erronée ou transmise tardivement par un employeur seraient appliquées.

Cela est loin des sanctions initiales qui impliquaient une responsabilité pénale et des sanctions financières lourdes. Pour autant, même symboliquement cela reste une sanction pour une compétence qui n’a pas été demandée.