Pierre-Yves Martin, maire (LR) de Livry-Gargan (Seine-Saint-Denis), évoque les raisons pour lesquelles il n'a pas signé le contrat de développement territorial Est-Seine-Saint-Denis, la construction du territoire T9 et les projets d'aménagement de la ville.
Pourquoi avez-vous décidé de ne pas signer le contrat de développement territorial Est-Seine-Saint-Denis ?
Nous avons appris lors du conseil des élus de la mission de préfiguration de la métropole du Grand Paris du 16 juillet dernier que notre commune serait finalement rattachée au T9 et non au T7 comme nous l’aurions souhaité. Je pense que l’Etat ne reviendra pas sur cette décision. C’est la raison pour laquelle, lors de notre dernier conseil municipal, qui s’est tenu le 24 septembre, nous avons décidé de ne pas voter le contrat de développement territorial Est-Seine-Saint-Denis.
Comment continuer à construire un CDT alors que chaque territoire disposera d’un plan local d’urbanisme intercommunal (PLUI) différent, mènera des projets différents ? D’autre part, nous nous étions engagés dans le CDT, alors que l’ancienne municipalité ne l’avait pas souhaité, pour nous inscrire dans la dynamique des communes situées au nord de Livry-Gargan. Aujourd’hui, par souci de cohérence, compte tenu de la décision de l’Etat de scinder ce CDT, nous choisissons de concentrer l’ensemble des moyens humains et financiers dans la construction des territoires.
Enfin, avec ces CDT, nous restions un peu sous la tutelle de l’Etat, et dans une sorte de flou concernant la gouvernance et les moyens financiers, que le comité de pilotage, réuni le 15 septembre dernier sous la présidence du préfet de région, n’a pas permis de dissiper. D’où notre décision de ne pas signer le CDT. A l’origine, la logique de ces CDT, celle de Christian Blanc, qui consistait à construire un véritable Grand Paris, autour des réseaux de transport et du Grand Paris express, était bonne. Mais aujourd’hui, le millefeuille compte suffisamment de couches pour ne pas en ajouter une supplémentaire.
Serez-vous prêt le 1er janvier prochain, pour la création de votre territoire ?
La réforme territoriale, et la création des territoires a été menée dans la précipitation, sans prendre en compte différents aspects, je pense notamment au Fpic (fonds de péréquation des ressources intercommunales et communales), qui n’a pas été anticipé, plaçant la métropole du Grand Paris en déficit dès la première année. Mais les 14 maires de notre territoire se sont déjà mis au travail pour se préparer à cette échéance.
Les directeurs généraux des services des 14 collectivités se sont déjà réunis au sein d’un groupe de travail et il y a un consensus entre les maires, au-delà des clivages politiques, pour travailler ensemble, afin d’avancer sur différents domaines. Financiers tout d’abord, avec un cahier des charges qui vient d’être élaboré pour s’attacher les services d’un prestataire qui réalisera un audit pour nous aider à bâtir le budget de l’établissement public territorial. Notre objectif est de bâtir un budget relativement simple, nous permettant notamment de financer la gestion des déchets ménagers qui figurent parmi les principales compétences obligatoires des territoires, tout comme l’eau et l’assainissement et la politique de la ville, qui vont être également transférés au 1er janvier 2016. Pour les PLUI, nous aurons un peu plus de temps. Il faut avancer avec pragmatisme, nous n’avons pas beaucoup de temps. La question du siège du territoire doit être rapidement tranchée.
Savez-vous déjà qui sera le président de votre territoire ?
La présidence se jouera entre les 12 maires de droite. Messieurs Lemoine, Calmejane, Capillon pourraient être candidats. Pour ce qui me concerne, je le serais si cela fait l’objet d’un consensus, en aucun cas dans la division.
Quel regard portez-vous sur la loi NOTRe ?
C’est un motif de crainte pour notre commune. Pour l’administré, qui va découvrir que l’on va transférer les déchets ménagers à l’EPT, ce sera peut-être difficile de ne pas avoir le réflexe de venir voir la commune si le service n’est pas effectué. La population a été peu informée de ces changements. Est-ce que les territoires vont se pérenniser au-delà de 2020 ? Est-ce que les maires vont être réduits à célébrer un mariage et trois enterrements ?
Etes vous favorable à davantage de mutualisation des moyens entre les communes ?
Naturellement, il faut que nous réfléchissions à mieux mutualiser nos moyens. Même si l’Etat nous fait en partie payer son incapacité à se réformer en baissant drastiquement les dotations aux collectivités, je pense que le besoin de coordonner les actions et d’avoir une vision plus large est réelle. Il faut pour cela cultiver notre sens du travail en commun, et perdre un certain esprit de chapelle.
Etes-vous, comme votre prédécesseur, opposé au tramway T4 ?
La précédente municipalité était contre le T4. Mais lorsque nous sommes arrivés en avril 2014, la déclaration d’utilité publique (DUP) avait été prononcée. Le préfet pouvait donc à tout moment prendre la main. Nous considérons que le tracé retenu n’est pas le plus opportun pour désenclaver un territoire. Il passe plutôt sur l’ouest de la ville, au niveau de Gargan et du Raincy. Si l’on avait voulu désenclaver Livry, on aurait pu emprunter le boulevard Jean Jaurès, plus central. Peut-être que nous payons en partie la politique de la chaise vide de notre prédécesseur. Mais soyons pragmatiques, dès lors que la DUP a été adoptée, la ligne va voir le jour. Même un recours devant le tribunal administratif ne serait pas suspensif.
On a donc décidé d’avancer avec le préfet, de façon à signer les arrêtés de travaux au fur et à mesure, mais en veillant à obtenir certaines garanties en contrepartie. Le dévoiement des réseaux coûte 4,5 millions d’euros. On veut bien être solidaire de Clichy-Montfermeil, mais pas au détriment de nos finances, et pas si l’on ne peut plus, du coup, mener aucun investissement dans le domaine de l’eau et de l’assainissement pendant toute la durée de notre mandat. D’où les garanties de subventions que nous avons obtenues. Les travaux avancent. Nous travaillons également sur les aménagements avec le Stif et Systra, sur des zones piétonnières notamment. Mais certaines incertitudes demeurent pour ce qui concerne les financements. La Caisse des dépôts, l’agence de l’eau Seine-Normandie sont censés nous aider. Nous attendons et avançons de façon vigilante, en concertation avec le Stif.
Quels sont vos grands projets d’aménagement ?
Nous sommes en train de réviser notre plan local d’urbanisme. L’objectif est de répondre aux demandes de l’Etat en matière de construction de logements tout en répondant aux préoccupations des Livryens sur la préservation des zones pavillonnaires et la construction de logements en fonction des grands axes que sont la N3 et le boulevard Jean Jaurès, de la proximité des gares et du tramway.
Nous menons une opération d’aménagement sur le cœur du centre ville. Historiquement Livry et Gargan était distincts, il y a eu un rapprochement dans les années 1960. Mais nous souhaitons aujourd’hui bâtir un centre administratif, en complément de l’hôtel de ville, pour bâtir un véritable cœur de ville. Nous allons transformer la salle des fêtes actuelle en un centre administratif, guichet unique d’accueil de la population. Nous allons prochainement lancer l’appel d’offres, pour un début des travaux début 2016.
A travers les conseils de quartier, nous travaillons également sur divers aménagements, dans différents quartiers. Nous oeuvrons, par exemple, afin que davantage de commerces s’installent entre le lac de Sévigné et le quartier de la mairie, pour bâtir un centre ville plus animé. Nous allons aménager aussi le secteur de Chanzy, en entrée de ville, là où arrivera le tramway. Le futur commissariat est également en cours de construction, et sera accompagné de logements, toujours pour soigner l’entrée de ville. A l’est de la ville sur le secteur Eugène Macé, nous avons la volonté de travailler avec les petits commerces, pour les pérenniser. Enfin nous essayons de développer notre zone d’activité commerciale, où sont implantés Cora et Leroy-Merlin.
Comment se porte votre budget ?
Nous avons fait le choix d’augmenter nos impôts cette année, de 12 %. Nous n’avions plus aucune capacité d’autofinancement. D’autre part, nos dépenses d’investissement étaient impactées par des projets lancés par la précédente municipalité. Notamment la construction d’un groupe scolaire de 12 millions d’euros et la réfection d’un gymnase, pour un coût de 2,5 millions. Sachant que, généralement, les dépenses d’investissement sont de l’ordre de 18 millions d’euros. Nous avons dû emprunter également pour mener certains travaux de voirie. Mais nous ne voulions pas augmenter la dette.
Hélas, à l’allure où baissent les dotations de l’Etat, qui va se poursuivre en toute certitude au-delà de 2017, nous sommes au-devant d’un véritable défi, notamment pour trouver de nouvelles économies. Nous devons réfléchir au périmètre des politiques publiques, les municipalités ne peuvent plus tout faire, elles doivent aussi se réformer. Nous devons faire mieux avec moins. C’est intéressant pour un nouveau maire. Mais transformer des services à la population n’est jamais évident !